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Face au risque infectieux il ne faudra plus jamais baisser la garde

Actualité du virus Monkeypox : un point sur son évolution par le Dr Pierre Parneix.

Dans son récent avis testamentaire, le Conseil scientifique Covid, met fin ce mois à plus de deux ans d’une activité remarquable, en nous rappelant que c’est en anticipant les scénarios les plus défavorables ou improbables que l’on peut se mettre en capacité de les éviter ou au moins d’en atténuer fortement l’impact.

La crise Covid a été un extraordinaire amplificateur de la réflexion et de la connaissance sur les maladies infectieuses d’origine animale et leur potentiel épidémique chez l’homme. L’épidémie actuelle de Monkeypox virus nous met directement en situation d’exercice pratique visant à tester nos acquis récents. Les premiers cas apparus sur le continent européen en mai ont été rapidement identifiés et signalés et les systèmes de surveillance et d’alerte internationaux ont été tout de suite activés. Désormais, c’est plus de 15 000 cas dans 71 pays qui ont été notifiés ce qui a poussé le Directeur général de l’OMS, le 23 juillet 2022, à déclarer une nouvelle situation d’urgence de santé publique de portée internationale et ce malgré l’absence de consensus de son comité, montrant là aussi la maturation depuis l’épisode Covid. Le risque de transmission est jugé élevé en Europe et modéré dans le reste du monde. Toutefois, dans son communiqué, Tedros Adhanom Ghebreyesu stipule : « Donc, en bref, nous avons une épidémie qui s’est propagée rapidement dans le monde, par de nouveaux modes de transmission, dont nous comprenons trop peu, et qui répond aux critères du règlement sanitaire international ».

Et si désormais la connaissance sur le virus s’accroit rapidement, les aspects autour de la transmission sont comme souvent ceux qui font l’objet de trop peu de recherche. Une étude animale de 2017, chez l’écureuil qui est un des vecteurs de la maladie en Afrique, est notable. Neuf écureuils sauvages indemnes de la maladie ont été capturés à Kinshasa. Sous anesthésie, 4 ont été inoculés avec le virus Monkeypox par voie intranasale, 4 par voie intradermique et 1 servait de témoin non contaminé. Tous les écureuils ont développé la maladie avec un niveau de gravité similaire mais des formes cliniques de chronologie différentes selon la voie d’inoculation. Une excrétion virale a été retrouvée au niveau oral, nasal, rectal et oculaire ; la concentration la plus élevée de virus étant au niveau oral. Il est à noter aussi que l’animal témoin a développé la maladie sans être inoculé artificiellement par le virus mais en étant anesthésié aux côtés de ses compagnons d’infortune. Les auteurs estiment que c’est via un aérosol contaminant d’un animal infecté qu’il a dû se contaminer.

Pour ce qui est de la transmission, elle peut se faire à partir des lésions cutanées ou muqueuses, de fluides qui contiennent le virus (salive, sécrétions nasales…), et de l’environnement contaminé par les patients en particulier au sein de leur domicile. La voie de transmission peut être cutanée ou muqueuse. Pour la voie cutanée, les recommandations parlent souvent de contact et seules les plus précises évoquent l’idée de lésions même macroscopiquement non visibles. Cela renvoie tout de même à une relative inconnue concernant l’efficience de la barrière cutanée face à certains virus. Pour la transmission par les voies respiratoires, là encore pas mal d’inconnus avec l’idée naturelle que l’aérosol respiratoire de proximité est en cause et ne se retrouve pas de façon équivalente selon les formes cliniques. La dose minimale infectante reste inconnue, et chez le singe il a été démontré que 10 4 PFU étaient infectantes par voies intra-bronchique et intraveineuse. D’autres singes ont été infectés à partir d’aérosols (1,2 micron de taille moyenne) contenant  10 4 à 10 7 PFU de Monkeypox. Ils ont tous développé la maladie sans que la mortalité puisse être corrélée à la dose infectante.

La transmission indirecte environnementale est plus délicate à identifier, mais le risque est évident et cité partout. L’épisode actuel a permis de montrer la large dissémination du virus dans des chambres de patients hospitalisés tant sur les surfaces hautes, les draps, que la salle de bain avec des niveaux élevés de présence du virus. Le challenge de la gestion de l’environnement est évident et nécessite une réelle vigilance. Même s’il s’agit d’un virus enveloppé, cousin du virus Vaccinia qui sert de base à l’évaluation de la virucide pour ce type de virus dans la norme EN 14476, il parait rationnel d’avoir pour l’environnement un niveau de sécurité supérieur avec au minimum un procédé permettant une virucidie à spectre limité au sens de la norme, voire une virucidie complète. Les produits et les techniques sont complémentaires car l’objectif ici est de ne laisser aucune souche virale vivante dans l’environnement après le départ d’un patient. Comme pour le Covid, Günter Kampf a été le premier à faire l’état de la science sur l’efficacité des désinfectants vis-à-vis du virus Monkeypox.

La spécificité de l’émergence actuelle est de concerner, très majoritairement des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes dit HSH. Rapidement l’infection à Monkeypox a rejoint ainsi le rang des infections sexuellement transmissibles et le virus a été désormais identifié dans le liquide séminal. Toutefois, la transmission par contact avec des lésions génitales ou anales, au cours d’un rapport sexuel, reste la voie probablement majeure de la transmission. L’épidémiologie actuelle de l’infection dans la population HSH est désormais mieux connue, avec des co-infections à VIH en particulier, et renvoie évidemment vers des souvenirs de l’émergence de cette maladie, avec son lot de stigmatisations, mais aussi de possibilité d’extension à l’ensemble de la population si la diffusion n’est pas contrôlée quand bien même  les modélisations actuelles se voudraient plutôt « rassurantes ». Le monde associatif mondial pousse toutefois, et avec raison, pour une intervention renforcée et rapide pour protéger les sujets les plus à risque. On retrouve déjà les perspectives de ruptures de stocks vaccinaux voire  les débats, que l’on espérait de l’ordre du passé, sur l’espacement accru entre les deux doses pour accélérer la couverture. C’est le cas un peu partout, dont en France, avec l’élargissement de la vaccination contre le virus Monkeypox en préexposition des personnes à haut risque d’exposition, même si le rythme peut encore s’accroître. Mais il faut se rappeler que le virus de la variole humaine est un agent potentiel du bioterrorisme et donc son vaccin, actif aussi sur le Monkeypox, fait l’objet d’un stock d’Etat spécifique et protégé. L’enjeu est donc de pouvoir maîtriser l’épisode actuel sans se démunir vis-à-vis d’une autre menace potentielle.

La maladie ayant une incubation moyenne assez longue  de 8,5 avec une étendue de 4 à 17 jours dans l’épisode actuel, mais également une phase de contagiosité de trois semaines au moins, le risque d’extension demeure réel. Les recommandations actuelles, faute de connaissance réelles, ont placé, de façon arbitraire, à 11 à 12 semaines la durée de contagiosité potentielle du sperme après la guérison clinique. Évidemment, le risque de transmission est surtout communautaire car peu de patients sont hospitalisés en dehors des formes hyperalgiques, et la prévention lors des consultations semble plutôt maîtrisée. Le challenge qui s’offre à nous est donc celui du diagnostic clinique et microbiologique le plus rapide possible, avec une compréhension et une application des mesures de prévention pendant la phase de contagiosité. Elles ont été bien synthétisées par les sociétés savantes regroupées autour de la mission Coreb. Le déploiement de la couverture vaccinale préventive post et pré exposition reste l’autre partie incontournable de la stratégie.

Les menaces infectieuses de portée internationale deviennent, à l’évidence, plus fréquentes et soulignent l’importance de faire de la prévention du risque infectieux, dans la communauté comme en milieu de soins, une priorité de chaque instant. C’est d’ailleurs toute l’ambition de la  nouvelle stratégie nationale 2022-2025.

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